Ocata,
6 mai 2020
Ballade entre amis
La première fois que mon ami me prit par la main pour m’emmener faire une ballade, mon cœur battait la chamade. C’était un jour de soleil d’été, à l’heure du déjeuner. Nous habitions alors dans un parc royal, avec des petits chemins courbés, des sentiers cachés derrière une flore exotique d’un autre continent, des petits ponts de pierres arqués, des îlots romantiques, il y a même un Christ, une grotte avec une Sainte Vierge et des tours délabrées.
Même si ce n’est qu’une petite ballade dans un parc, mon ami marche à grands pas. Il a de longues jambes interminables et blanches. Sa grande main de jeune homme tient la mienne avec tendresse et détermination. Mon cœur bat fort. Il parle, me raconte une histoire, me confie un secret. Mon ami adore parler, réfléchir, penser, jouer des mots et faire danser son esprit pointu. Je le regarde, l’écoute avec attention mais surtout j’entends sa main qui tient la mienne. Cet espace intime qui se crée entre deux mains amies, qui se balancent dans l’air chaud de l’été, au-dessus de la terre jaune sablée.
Nous montons les escaliers sales d’une des tours. Arrivés au sommet, nous restons en silence. Et puis nous rions, nous rions de nos amours, de nos désirs, de nos peurs, de nos désespoirs qui ont délestés leurs poids ici en hauteur. Nous sommes devenus complice. Nous sommes heureux, un instant, ensemble, dans ce lieu de conte de fée souillé par la décadence humaine.
Nous faisons des ballades, il adore marcher, il marche vite. C’est toujours lui que me prend par la main, ma petite main moite dans sa forte main sèche. « Tu transpires! Pourquoi ta main est-elle toujours mouillée? » me dit-il en la tenant. Parfois nous nous posons sur un banc et discutons fort. Parfois nous mangeons sur une terrasse, c’est lui qui paye. Parfois il ne sait pas où aller, je le suis quand-même, et nous errons ensemble dans les rues de la ville. Parfois nous nous posons sur la terre, à l’ombre, il sort son grand thermos de thé blanc, m’offre une tasse chaude et m’épluche mon kiwi avec son canif, me le tend et je le dévore goulument tout en l’écoutant parler. Parfois il m’emmène danser, alors c’est chacun pour soi d’un commun accord. Nous attaquons la piste de danse et n’en ressortons qu’épuisés et heureux. Puis nous revêtons nos habits civils et nous rions de nos folies.
Parfois il me poursuit et m’attaque par derrière avec son énorme corps blanc. Il me pousse, me provoque, me donne des livres à lire, me fait de l’acupressure debout sur le quai en attendant le train et je crie.
Nous savourons discuter de nos nombreux désaccords en marchant, main dans la main. Car plus profond que nos désaccords nous le sommes, d’accord, en accord malgré tout. Nous sommes en à cœur de luttes nues, libres et dignes.
Il articule à la perfection mon patronyme compliqué.
Et je l’appelle mon chéri.
Joyeux anniversaire mon beau!
Marlène.
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